TEMPS GELE

Thierry Acot-Mirande, Editions Monsieur Toussaint Louverture, 2009


« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » Telle pourrait être la devise des éditions Monsieur Toussaint Louverture. A une époque, en effet, où les livres apparaissent de plus en plus standardisés, tous façonnés selon les mêmes procédés de fabrication, les éditions Monsieur Toussaint Louverture se démarquent en privilégiant l'élégance, la qualité et l'originalité. Leur dernière publication, Temps Gelé de Thierry Acot-Mirande, nous en apporte une nouvelle fois la preuve. La couverture bleue (de l'Inuit Original blanc Blizzard, 300g, nous précise-t-on en fin de volume), s'orne d'un léger relief et de fioritures argentées, les polices sont choisies avec soin, et le papier intérieur (du my 306° Edit me blanc, 100g) offre un indéniable confort de lecture. Bref, le genre de boulot qui nous met d'office dans de bonnes conditions pour aborder sereinement le contenu d'un aussi bel objet.
Et ce contenu, justement, ne nous déçoit pas. On y retrouve indéniablement l'esprit des autres publications du catalogue de la maison, cet esprit décalé et iconoclaste qui fleurissait déjà dans les nouvelles de Julien Campredon (Brûlons tous ces punks pour l'amour des elfes), ou dans celles de Robert Benchley (Remarquable n'est ce pas ?) pour ne citer que deux des leurs dernières productions. Au fil de onze nouvelles et « novellas » (l'éditeur nous rappelle que ces dernières sont des fictions en prose plus longues qu'une nouvelle mais moins longues qu'un roman), Thierry Acot-Mirande nous emmène en balade dans le troublant univers qui est le sien, univers instable où rien n'est sûr, rien n'est fiable. Le temps s'y écoule selon des séquences parfaitement aléatoires, les décors sont irréels, les saisons capricieuses, et les personnages ne sont jamais réellement ceux qu'ils semblent être : ils passent leur temps à se croiser, à se frotter, à se froisser sans jamais se rencontrer véritablement.
Les textes de Thierry Acot-Mirande ressemblent aux plus emberlificotés de nos rêves. Comme eux, ils progressent par analogies, par légers décalages, mais sans objectifs déterminés, sans déroulé précis ni finalité propre. C'est ce qui fait à la fois leur charme et leur côté angoissant. C'est ainsi par exemple, que la plupart des nouvelles contenues dans le volume s'achèvent sur une fin qui n'en est pas une, sans apporter l'apaisement d'une chute que nous avons l'habitude d'attendre dans ce genre d'exercice. Non, Thierry Acot-Mirande clôt ses proses comme on sort de nos rêves, brutalement, sans se soucier de s'excuser de l'éventuelle frustration qu'il peut provoquer chez nous.
Le procédé est quelque peu déroutant, au début, puis on s'y fait, et on se laisse emporter sans état d'âme par le courant onirique dans lequel l'auteur nous entraîne. Après tout, les occasions de se laisser sombrer dans d'aussi sublimes rêves sont plutôt rares : alors pourquoi se priver ?
Stéphane Beau
Le Magazine de Livres n°18, juillet 2009

1 commentaire:

  1. C'est ma lecture du moment. Très onirique, peut-être un lointain descendant de Lautréamont? J'aime à le rêver en tout cas. Et c'est vraiment un bel objet, avec le papier le plus agréable qui soit. Vraiment, un plaisir. En revanche, j'avais moins aimé Campredon, que j'avais trouvé prometteur, mais qui a fini par me lasser...

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