L’ARDOISE

Stéphane Prat, Editions Asphodèle, 2009



A l’heure où tout le monde s’acharne à ergoter joyeuse ment – ou sombrement – sur l’avenir du livre, sur son éventuelle disparition et éviction au profit des supports électroniques, une toute nouvelle maison d’édition, Asphodèle, prend tous les bavards à contre-pieds et publie un premier ouvrage qui offre un lien original entre le livre réel et l’écriture virtuelle. L’Ardoise, de Stéphane Prat, a dans un premier temps été une contrainte d’écriture à laquelle l’auteur s’est soumis, plusieurs semaines durant, contrainte consistant à noter chaque matin une pensée originale sur une ardoise trônant au beau milieu de son salon. Ces aphorismes étaient ensuite reproduits, jour après jour, sur son blog. Et, c’est cette expérience d’écriture quotidienne que les éditions Asphodèle viennent de cristalliser dans un charmant petit volume de près de 60 pages.
J’ai parlé plus haut d’aphorismes, parce que c’est sans doute le qualificatif qui se rapproche le plus des textes que Stéphane Prat propose dans L’Ardoise. Mais j’aurais aussi bien pu parler de poèmes en prose ou d’instantanés, car on ne trouve dans ce volume aucun didactisme, aucune volonté de démontrer ou d’imposer quoi que ce soit. Non, avec beaucoup d’humour et de talent, dans une langue riche et pleine de mystère, Stéphane Prat s’amuse juste à décortiquer malicieusement la réalité environnante, à soulever délicatement les jupes de Maïa et à nous obliger à ouvrir les yeux, ne serait-ce que quelques secondes, sur tout ce que notre banalité quotidienne recèle de magie, d’étrangeté et de décalage.
Et une fois qu’on a goûté à l’univers de Stéphane Prat, il est difficile de faire marche arrière, comme l’explique très bien Pascal Pratz, l’éditeur : « L’Ardoise, on l’abandonne, on le reprend, on l’ouvre au hasard et puis, un jour; on a le sentiment de l’avoir fini. Alors vient l’irrépressible envie de le relire. Pour comprendre, trouver le message subliminal, savoir pourquoi l’on vient de voyager; avec qui, où ? »
Mais le plus simple, pour se faire une véritable idée des pépites enfermées dans ce petit livre reste encore d’en dévoiler quelques-unes : « L’instinct – Alors que le facteur ne distribue plus la moindre lettre digne d’intérêt depuis maintenant plusieurs décennies, le chien continue de le mordre à la culotte » ; « La question – Si c’était à refaire, je ne referais rigoureusement rien, alors passons... » ; « L’héroïsme – Lorsque l’homme s’est mis en tête de vivre de la terre, de cultiver et d’élever; ses dieux n’étaient pas baisants à traire et son espérance de vie ne dépassait pas l’entendement ».
Vous en voulez encore ? Pas de problème, précipitez-vous dans votre librairie habituelle ou rendez-vous sur le site des éditions Asphodèle pour commander votre exemplaire !
Stéphane Beau

Le Magazine des livres n°18, juillet 2009

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