SUR LE CAILLOU
Goulven Le Brech, Éditions du Petit Pavé, 2010

Après avoir mis son talent au service de philosophes méconnus tels que Jules Lequier auquel il a consacré une biographie (parue à la Part Commune) ou Louis Prat dont il a fait rééditer les Contes pour les métaphysiciens, Goulven Le Brech s’est enfin décidé à nous offrir, avec Sur le Caillou, un texte d’inspiration beaucoup plus personnelle.
Le Caillou en question, c’est la Nouvelle-Calédonie où l’auteur a fait une brève escale, il y a quelques années de cela. En touriste attentif, il nous entraîne bien sûr avec lui lors de ses pérégrinations à Nouméa, Maré, Thio, Tanna, Shabadran, et autres sites aux noms plus chantants les uns que les autres, qui donnent le tournis aux métropolitains que nous sommes. Mais ce n’est pas là l’essentiel, car Goulven Le Brech pratique un tourisme un peu particulier qui consiste moins à découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles terres, de nouveaux espaces, qu’à poursuivre une quête intérieure, une recherche de connexions, de « correspondances » au sens rimbaldien du terme.
Goulven Le Brech qui, vous l’aurez sans doute deviné, est un Breton amoureux de sa Bretagne natale, ne peut pas s’empêcher de tisser des parallèles entre les paysages de son enfance et les terres calédoniennes, et chaque pas qu’il fait aux antipodes est en même temps un pas en avant, et un retour sur lui-même, un pas vers l’extérieur, vers la beauté luxuriante du Caillou, et un pas vers sa sensibilité intérieure, vers ce mélange de souvenirs, de lectures, d’images et de sensations qui constituent son individualité et qui forment ce « sentiment océanique » qui « peut surgir dans d’autres endroits sauvages du monde, dans la lande ou sur la côte bretonne par exemple ». Car « au Vanuatu comme en Bretagne, ce sentiment a suscité des légendes et des mythes sur des âmes errantes et autres apparitions mystérieuses, d’une flagrante ressemblance ».
En Nouvelle-Calédonie, l’auteur ne se contente donc pas de collectionner les souvenirs il traque les correspondances entre les paysages, les climats, les croyances. Le heurt des cultures est par exemple pour lui l’occasion de s’interroger sur ce que signifie la mort dans des esprits où l’avenir et le passé se confondent, comment se transmet la mémoire dans un monde où l’écrit n’a que peu de place...
Ce récit est enfin, pour lui, l’occasion de laisser libre cours aux résonances et aux échos entre ses émotions du moment et ses lectures, ses livres de chevet, les auteurs avec lesquels il noué des affinités intimes. Sur Le Caillou est pour lui l’occasion de saluer et de rendre hommage à toute une série d’écrivains, de penseurs qui, eux aussi, en dignes représentants du « sentiment océanique », ont toujours mêlé voyage, réflexion et lyrisme, introspection et ouverture au monde et à autrui. Au fil des pages, on croise ainsi Victor Segalen, Jean Grenier, JMG Le Clézio, Kenneth White, Joseph Conrad, Bronislaw Malinowski...
Un seul regret, pour finir : l’ouvrage aurait mérité d’être deux fois plus long, deux fois plus étoffé. Ce sera pour la prochaine fois, très certainement.
Stéphane Beau.

Le Magazine des livres n°28, Janvier 2011

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