FAITS DIVERS OU LES MOUVEMENTS IMPREVUS
Jean Billaud, Durand-Peyroles, 2011

Qu’il est simple d’écrire des nouvelles !
C’est ce que je me disais en lisant Faits divers ou les mouvements imprévus, recueil de Jean Billaud dernièrement paru aux éditions Durand-Peyroles. Tellement simple, oui : il suffit juste d’arrêter son regard sur un événement, un instant de vie, un personnage, et de rester planté là, tranquille et confiant, à attendre que le réel dérape, que le doute s’installe, que l’angoisse s’immisce bref, que l’histoire se déploie et s’offre à nous, prête à glisser sous notre plume.
Tellement simple… en apparence, car rien n’est plus compliqué, en réalité, que de générer le trouble chez le lecteur avec une économie de moyens aussi radicale que celle à laquelle s’astreint Jean Billaud. N’attendez pas de coups d’éclats dans ses nouvelles : pas de cascades ni de flots de sang, pas d’intrigues complexes ni de rebondissements incroyables. À chaque fois, l’auteur se contente juste d’un petit glissement dans le réel, d’un infime décalage dans la vie d’un quidam moyen, bref d’un fait divers, pour aller explorer les zones d’ombres qui nous environnent toutes et tous, inconsciemment la plupart du temps. Car si certains de ses héros flirtent parfois avec le surnaturel, la plupart sont des êtres aussi tristement banals que vous et moi (enfin vous, je ne sais pas, mais moi, je confirme) : un professeur qui perd la tête et dont tout le monde se moque, un angoissé qui découvre sur le tard les joies du voyage, un frère et une sœur qui se retrouvent via un site de rencontres, un touriste qui s’égare dans le dédale des rues d’une ville inconnue…
Il faut bien admettre que le fil de l’intrigue est toujours tellement ténu qu’il en devient parfois limite insuffisant et qu’une ou deux nouvelles (« La Salade n’était pas sur la table », par exemple ou « Le Locataire de la chambre 9 ») nous laissent au bout du compte un peu sur notre faim. Mais comme l’auteur sait, pour chaque histoire, créer une ambiance originale et attachante, on ne s’agace finalement pas tant que cela de ces chutes qui n’en sont pas et qui relèvent, la plupart du temps, plus du clin d’œil que du coup de théâtre : on se laisse emporter par la simplicité et l’humanité qui émanent de toutes ces tranches de vies, de tous ces instantanés qui nous parlent avec beaucoup d’intelligence et de subtilité de ces drôles de bêtes que sont les humains.
Stéphane Beau
Blog du Grognard, Janvier 2011

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