LE PÈRE DIOGENE

Han Ryner, Editions Premières Pierres, 2007



Han Ryner, de son vrai nom Henri Ner (1861-1938) a laissé derrière lui une œuvre riche, variée, faite d’ouvrages philosophiques, d’essais, de romans, de poésies, de contes, de pièces de théâtre ; œuvre aujourd’hui tombée – injustement, comme il se doit – dans l’oubli quasiment le plus total. Il faut dire que le bonhomme n’y a guère mis du sien. Tranquille, sans histoires, ce petit professeur de philosophie n’a jamais brigué aucun honneur, n’a jamais recherché à se mettre en avant ou à véritablement se faire un nom parmi le cercle des auteurs et des penseurs officiels (même si nombreux sont ceux qui, parmi ces derniers, ont parfaitement mesuré l’importance de sa pensée. C’est ainsi que l’on retrouve parmi les membres de la société des Amis de Han Ryner fondée en 1919, les noms de J.H. Rosny, aîné Romain Rolland, Jean Giono Jean Rostand, Édouard Dujardin ou Stefan Zweig, pour n’en citer que quelques uns).
Proche des milieux anarchistes, il développe au fil du temps une pensée originale basée sur un profond dégoût des « mensonges sociaux » et fortement teintée d’individualisme. Il reste d’ailleurs une des figures majeures de l’individualisme anarchiste (ou de l’anarchisme individualiste, c’est selon !) L’ensemble de son œuvre est également fortement marqué par son goût pour la philosophie grecque, notamment par celle des cyniques. C’est à la jonction de tous ces divers centres d’intérêt (refus des « mensonges sociaux », goût pour la philosophie cynique et pour l’optique individualiste) que Le Père Diogène prend corps.
Publié pour la première fois en 1920, le roman nous narre, sur un ton chargé de douce ironie, les mésaventures de Julien Duchêne, talentueux professeur de philosophie et brillant orateur, adulé par toute une partie de son auditoire – notamment féminin – qui, suite à une déception amoureuse, décide de fuir le monde et de devenir un Diogène moderne. Vêtu d’une tunique qu’il coud lui-même, d’une besace et d’un bâton, il sillonne les routes de France en dénonçant les faux-semblants, les hypocrisies et les aberrations des codes sociaux et des valeurs morales. Hélas, la France des années 1900 n’a rien à voir avec la Grèce Antique et, entre les tracasseries administratives, les parties de cache-cache avec les gendarmes et les rixes avec les braves gens qui ne font nullement la différence entre un philosophe itinérant et un vagabond dangereux, le périple de notre héros se transforme peu à peu en calvaire.
Quelque temps plus tard, après d’incalculables vexations, incarcérations, enfermements en asile, etc. le Père Diogène abandonne finalement sa besace, son bâton et sa tunique et s’en va vivre dans sa petite maison une retraite solitaire et sans histoire, s’attachant juste à cultiver son propre jardin sans plus se soucier de la marche du monde et de l’aveuglement de ses contemporains.
Le Père Diogène n’a aucunement vieilli et les réflexions mises en avant par Han Ryner restent parfaitement d’actualité. Raison de plus pour relire ce petit livre plein de charme et de profondeur.
Rappelons, pour finir, l’existence d’un très sympathique site Internet – qui grossit de jour en jour – entièrement consacré à Han Ryner et à son œuvre : http//hanryner.over-blog.fr.
Stéphane Beau
La Presse Littéraire, septembre 2007

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