ŒUVRES PHILOSOPHIQUES

Gorges Palante, Editions Coda, 2004



Bien qu’ayant toujours joui d’une reconnaissance certaine aux yeux de lecteurs fidèles, Georges Palante, philosophe français d’origine belge, né en 1862 et mort en 1925 à Hillion, près de Saint-Brieuc, reste assez méconnu. Redécouvert par Yannick Pelletier en 1987 (L’Individu en détresse, choix de textes de Georges Palante, Bédé, Folle Avoine), il faut attendre 1989 pour assister à sa véritable résurrection. C’est à Michel Onfray que l’on doit le coup de pouce salutaire. Fermement soutenu par les éditions Folle Avoine, ce dernier entreprend alors la réédition préfacée et annotée des principaux livres de Palante : Les Antinomies entre l’individu et la société, Pessimisme et Individualisme, La Sensibilité individualiste et le Combat pour l’individu (signalons au passage que ce dernier ouvrage, qui était épuisé depuis plusieurs années, vient de ressortir chez Folle Avoine). Parallèlement à cela, il rédige la première véritable étude consacrée au penseur briochin : Georges Palante, Essai sur un nietzschéen de gauche (rééditée en 2002 chez Grasset sous le titre Physiologie de Georges Palante, pour un nietzschéisme de gauche) et dirige un colloque dont les actes seront publiés sous le titre de La Révolte individuelle (Folle Avoine, 1990. Ouvrage toujours disponible).
Encore trop méconnu, Georges Palante est également mal connu. Transposé dans le domaine romanesque sous les traits de Cripure, un des protagonistes majeurs du Sang Noir de Louis Guilloux, il a été dépossédé, avec le temps, d’une partie de son identité propre. Sa maladie – l’acromégalie – qui s’est ingéniée, une grande partie de sa vie, à distordre sa silhouette au point de le faire ressembler, selon certains, à un « Orang-Outang », son échec à la Sorbonne, ses difficultés conjugales, sa querelle avec Jules de Gaultier, le père du Bovarysme, débouchant sur un duel avorté et vécu comme une humiliation, son suicide, tous ces événements ont presque fini par occulter ce qui fonde sa véritable valeur : sa pensée et son œuvre.
Là encore, pourtant, il est parfois difficile de ne pas se perdre dans les méandres des lectures qui ont été faites de ses écrits. On trouve des hommes de gauche qui se réclament de sa philosophie, mais aussi des anarchistes, des royalistes, des libéraux, des conservateurs et des révolutionnaires... Des représentants de toutes ces catégories se retrouvent d’ailleurs également dans le camp de ses détracteurs. Qui a raison, qui se trompe ? Difficile à dire, car Palante était à la fois un peu tout cela et rien de tout cela. Toute sa vie, il n’a cessé de clamer son « athéisme social », son refus des étiquettes et des discours partisans. Partant du principe que la totalité d’un individu n’est jamais que la somme de ses contradictions, il s’est tout simplement évertué à être lui-même, n’hésitant pas à revenir sur ses convictions et à faire le grand écart entre des positions très divergentes.
La publication, aux éditions Coda, de ses Œuvres philosophiques est par conséquent un événement important car le fait de pouvoir disposer, rassemblé en un seul volume, de l’essentiel de ses écrits, permet de mieux mesurer la profondeur, l’actualité et l’unité de sa pensée.
Pour les lecteurs déjà acquis à la cause palantienne les Œuvres philosophiques offrent en outre l’accès à des livres épuisés depuis longtemps (comme le Précis de sociologie, non réédité depuis 1921, ou Du nouveau en politique, dont la seule édition date de 1919), mais également à des articles jamais repris depuis leur parution dans des revues (« Deux points de vue en sociologie. Le point de vue intellectualiste et le point de vue du vouloir-vivre », « La psychologie du scandale », « La lenteur psychique », etc.)
Bref, un ouvrage indispensable aussi bien pour tous ceux qui aiment déjà Palante que pour ceux qui souhaitent le découvrir.

Stéphane Beau

Critique n°690, novembre 2004

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