LE MYSTERIEUX DOCTEUR CORNELIUS

Gustave Le Rouge, Editions Manucius, 2006

LE SECRÉTAIRE ITALIEN

Caleb Carr Presses de la Cité, 2006




J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer ici l’intérêt que je porte à cette littérature dite « populaire »[1], cette littérature d’aventures, d’intrigues, d’énigmes policières et d’inventions futuristes qui a fait la fortune des Maurice Leblanc, des Jules Verne, des Gaston Leroux et autres grands noms du genre. Et le fait est que, quel que soit le jugement que l’on porte sur ce domaine artistique trop souvent considéré comme « mineur », force est de reconnaître qu’au tournant du 19e et du 20e siècle, de nombreux livres ont vu le jour qui ont posé les bases d’un style qui n’avait pas de précédent et qui a disparu avec les premiers chaos du monde moderne. Difficile de dire pourquoi cette littérature me touche plus fortement qu’une grande partie de ce qui se publie aujourd’hui dans le domaine romanesque. Peut-être parce qu’elle date d’un temps où la fiction n’avait pas honte d’elle-même, peut-être parce qu’elle me parle d’une époque révolue où les utopies étaient encore possible, où le bien et le mal semblaient aisément différentiables et où les êtres humains pouvaient encore se référer à des valeurs relativement stables, fiables et unanimement partagées. Il y a sans doute beaucoup de naïveté dans ce que j’énonce ici, mais c’est la seule explication que je suis en mesure d’apporter à ce sentiment de soulagement et d’évasion, loin du cynisme et du désabusement contemporain, que me procurent ces romans dits « populaires ». C’est par conséquent avec gourmandise que je me suis rué sur la réédition des aventures du Mystérieux Docteur Cornélius dont les deux premiers volumes viennent de voir le jour aux éditions Manucius (les sept autres volumes paraîtront entre janvier et juin 2007). Gustave Le Rouge, comme de nombreux auteurs talentueux de son temps, n’est plus guère connu aujourd’hui. Qui se souvient qu’il fut, comme nous le rappelle Mathilde Ribot dans son éclairante préface, un ami intime de Verlaine, un familier des Bloy, Tailhade, Mallarmé et que Cendrars lui vouait une admiration sans faille. Qui se souvient qu’il a écrit quelques centaines d’ouvrages sur des sujets aussi divers que variés ?
Avec Le Mystérieux Docteur Cornélius, Le Rouge nous entraîne dans une épopée pleine de rebondissements, où tous les genres se mêlent : aventure, science fiction, énigme policière. Tous les ingrédients sont là pour satisfaire notre plaisir : les « méchants » sont cruels, vicieux et intelligents à l’instar du complexe Dr Cornélius, surnommé le « sculpteur de chair » en raison de son talent à reconstruire les visages et les corps de ses patients ; les gentils sont d’une grandeur d’âme sans faille et ne reculent devant aucune embûche. Et dans leur lutte, ils font feu de tout bois : communication télépathique, attaque en aéronef, électrocution... Bref, un scénario débordant d’imagination et de folie qui n’a qu’un seul défaut : celui de nous obliger à attendre avec impatience les prochains épisodes !

Puisque l’on parle ici du roman policier « à l’ancienne », signalons la publication du Secrétaire italien de Caleb Carr qui ressuscite avec ce roman le très célèbre Sherlock Holmes. Malgré des qualités indéniables, ce livre ne convainc pas vraiment : trop long, pas assez rythmé et tournant autour d’une intrigue qui, bien que promettant beaucoup (éventualité d’un complot contre la reine d’Angleterre) s’avère n’être qu’une bête histoire d’escroquerie sans grand intérêt. Dommage car l’auteur s’était assez bien approprié ses personnages, trop peut-être. Tellement soucieux de ne pas trahir l’esprit de Conan Doyle il n’a finalement produit qu’un petit bouquin « à la manière de » là où un peu plus d’audace aurait pu donner naissance à un pastiche beaucoup plus délirant ou à une relecture du mythe nettement plus innovante. Caleb Carr qui nous avait séduit, il y a quelques années de cela avec l’Aliéniste puis avec l’Ange des ténèbres, semble avoir bien du mal à retrouver un second souffle.
Stéphane Beau
La Presse Littéraire n°9, mars 2007



[1] A propos de Fortuné du Boisgobey (La presse Littéraire n°6) ou d’Alfred Assollant (La presse Littéraire n°8).

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