LES AVENTURES MEMORABLES DE PAMPHILE DE MILET
Gaétan Rudent, Éditions Michel Champendal, 2008
J’ai toujours eu un faible pour les drôles de zigotos qui ont eu la curieuse idée de naître dans un siècle qui n’est pas le leur : les décalés, les inactuels, les intempestifs. Et là, pour le coup, aucun doute : Gaétan Rudent appartient à cette grande famille des exilés temporels ! Autrement dit, si vous le croisez dans la rue, ne vous fiez pas aux apparences : son image n’est qu’un mirage. En réalité, il foule le sol d’Athènes et vit au temps des Socrate et des Platon !
Au travers des mésaventures riches en rebondissements de son héros, Pamphile de Milet, que le destin va placer sur le chemin de tous les grands noms de l’époque – Périclès, Socrate, Platon, Aristophane, Alcibiade, Xénophon et compagnie –, Gaétan Rudent propose avec malice un petit cours de rattrapage à tous ceux qui, contrairement à lui, ne vivent pas au quotidien dans la Grèce antique. Son livre peut ainsi être lu comme une occasion de nous replonger dans l’histoire mouvementée de la république athénienne, dans les tenants et les aboutissants de la guerre du Péloponnèse, dans les guerres contre les Perses. Mais attention, les Aventures mémorables de Pamphile de Milet ne constituent pas seulement un bouquin du type : La Grèce pour les nuls. Loin delà. Car au delà de la petite balade historique, le fond du message de Gaétan Rudent est très sérieux. En bon spécialiste de la maïeutique, sans avoir l’air d’y toucher, il nous invite, au fur et à mesure que les chapitres défilent, à tirer des parallèles instructifs entre les principes moraux républicains et démocratiques d’Athènes et ceux qui ont cours de nos jours dans nos sociétés qui se croient supérieurement élevées. Le caractère imprévisible des tyrans capables, en même temps, de clamer leur amour de l’humanité et d’envoyer par milliers, sans états d’âme, leurs concitoyens dans d’effroyables boucheries ; les secrets d’alcôves ; les institutions dont les nobles façades masquent de sombres histoires d’argent, de fesses, de complots, de trahisons ; la bêtise et la versatilité des hommes dits « libres » qui changent d’opinion à chaque variation du vent... Tout est là... et rien n’est vrai ment neuf sous le soleil de Méditerranée ou d’ailleurs... Mais quand je dis que le fond du message de Gaétan Rudent est très sérieux il ne faut surtout pas entendre qu’il est rasoir ou professoral. Bien au contraire. L’humour est là, à chaque page, l’ironie, le décalage, l’usage des anachronismes notamment dans la langue que les protagonistes utilisent et qui mêle joyeusement tournures de l’époque et exclamations d’aujourd’hui.
Bref, un petit roman sans prétention, ludique, qui se lit d’une seule traite, mais qui, mine de rien, nous invite à penser un peu plus loin que le bout de notre nez, ce qui n’est pas rien.
Stéphane Beau
Le Magazine des livres n°15, avril 2009
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