MOULIN A VENT

Sylvie Callet, Presses du midi, 2010


Quel bavard ce Jo ! Et quel cabot... Quoi ? Vous ne savez pas qui est Jo ? Ce n'est pas de sa faute en tout cas, car dans le genre "moi-je" et "m'as-tu-vu", il doit faire partie des premiers de la classe !

Jo, c'est le héros de Moulin à vent, roman sous-titré "polar" et signé Sylvie Callet.

Polar, moi je veux bien, même si je trouve le qualificatif bien exagéré compte tenu de la légèreté de l'intrigue : un acteur au chômage (pléonasme ?) et détective à ses heures perdues (c'est-à-dire à plein temps) reçoit un beau jour un coup de fil de sa belle-sœur qui lui annonce que son frère – triste beauf vaguement facho avec lequel il est fâché depuis plusieurs années – se trouve dans le coma suite à une agression. À ces mots (et aussi au souvenir des courbes généreuses de sa belle-sœur), Jo retrouve le sens de la sensibilité fraternelle, saute dans la R5 déglinguée dont il vient d'hériter et fonce illico vers le Beaujolais où son frangin exploite, avec sa Barbie de femme, une vaste exploitation viticole.

L'intrigue, hélas, ne tient guère la distance. Elle ne démarre réellement que vers la page 70 (c'est-à-dire à la moitié du livre), et s'éteint doucement une cinquantaine de pages plus loin... C'est peu, très peu, je vous l'accorde volontiers !

Pourquoi parler de ce livre, alors, vous entends-je grogner d'ici ? Pourquoi ? Parce qu'au-delà de ce gros vide en terme d'intrigue, Moulin à vent se lit avec un réel plaisir. Jo, le héros, queutard malhabile, arsouille à ses heures et tchatcheur maladif, ne manque pas de charmes et on se laisse rapidement aller à suivre ses réflexions désabusées, ponctuées de saillies non dénuées d'humour. À tel point que c'est presque sans s'en rendre compte qu'on constate soudain qu'on a déjà dévoré la moitié du bouquin, et qu'il ne s'est toujours rien passé de notable. Et, mine de rien, c'est déjà une forme de petit exploit que de blouser ainsi le lecteur.

Si j'ai souhaité parler de ce livre, ici, c'est donc moins pour parler du "polar" (que je cherche toujours) que pour louer le style de Sylvie Callet, qui maîtrise à merveille l'art compliqué de manier le calembour avec subtilité (là on est dans l'oxymore, non ?), ou, pour reprendre ses termes, l'art du "jeu de mots laids. Vous savez, ceux qui font les gens bêtes".

Et quand on voit avec quelle aisance l'auteure manie la langue, plante son décor et ses personnages, on en revient quand même finalement à regretter qu'elle n'ait pas pris plus de temps pour bricoler une intrigue digne de ce nom, car elle a sans aucun doute les capacités de signer un vrai grand polar... Rendez-vous est pris pour le prochain opus...

K-Libre, Avril 2011

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