ECRITS SUR LA LITTERATURE
Joris-Karl Huysmans, présenté par Patrice Locmant, Éditions Hermann, 2010
Il ne faut pas se faire d’illusions : il ne reste plus grand-chose de neuf à découvrir sur Huysmans. Tous ses écrits ont été édités, réédités, découpés, compilés… Difficile, donc, de proposer quelque chose de véritablement novateur en ce qui le concerne. Ce challenge délicat, pourtant, Patrice Locmant[1], vient de le réussir d’assez belle manière grâce à cet ensemble d'Écrits sur la littérature qu’il a compilés, présentés et commentés pour le compte des éditions Hermann.
Pas de surprises majeures pourtant dans le volume, du moins pour ceux qui connaissent déjà bien l’œuvre de Huysmans. On retrouve au sommaire des grands « classiques » (son autoportrait de 1885), des préfaces célèbres (pour les Rimes de Joie de Théodore Hannon ou pour le Latin mystique de Remy de Gourmont), des articles un peu moins connus, ainsi que, ce qui est plus inattendu, plusieurs extraits d’À Rebours, de Là-bas, ou de La Cathédrale.
L’ensemble, bien qu’étant issu de publications diverses s’échelonnant sur près de vingt ans, apparaît pourtant très homogène. Et c’est tout l’intérêt de cet ouvrage qui met brillamment en avant à quel point la dimension « critique » est essentielle dans l’œuvre de Huysmans, aussi bien dans ses articles pour la presse, dans ses préfaces que dans ses romans. C’est très judicieusement d’ailleurs que Patrice Locmant nous rappelle que « Huysmans revendique […] un regard impressionniste sur la littérature, un jugement fondé sur le sentiment personnel, sur la résonance intérieure face à l’œuvre, plutôt que sur des concepts académiques établis ».
Au travers des textes réunis dans ces Écrits sur la littérature, on ne peut en effet qu’admirer l’aisance avec laquelle Huysmans se promène au travers des écoles et des styles (romantisme, Parnasse, naturalisme, symbolisme), sachant en extraire ce qu’il y a de mieux sans jamais se laisser prendre au piège des querelles de clochers.
Et puis de toute manière, lire et relire Huysmans, même quand on connait déjà son œuvre sur le bout des doigts, demeure toujours un plaisir majeur. Sa verve fait toujours mouche et son humour noir est toujours à l’affût d’un travers à ridiculiser. J’en prends pour preuve ce savoureux passage où il règle son compte au romantisme : « Tel qui a sangloté pour une femme et s’est marié avec une autre n’éprouve aucun regret et prend du ventre. Cet homme, je le déclare, me semble tout aussi grand, tout aussi intéressant à mettre en scène que Werther, cet imbécile qui mâchonne des vers d’Ossian quand il est gai et se tue pour Lolotte quand il est triste ! » (p.34)
Précisons pour finir que le volume est agrémenté d’un index et d’une chronologie parfaitement bienvenus, et que chaque article bénéficie d’une présentation détaillée. Du beau travail, donc, soigné et sérieux qui devrait satisfaire tous les inconditionnels du père de Des Esseintes.
Stéphane Beau
Le Grognard n°15, septembre 2010
[1] Patrice Locmant a déjà établi plusieurs rééditions des œuvres de Huysmans, et lui a également consacré un livre : Le forçat de la vie (Bartillat, 2007). Rappelons au passage que Patrice Locmant a eu la gentillesse de collaborer à plusieurs numéros du Grognard.
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