TU ÉCRIS TOUJOURS ? MANUEL DE SURVIE À L’USAGE DE L’AUTEUR ET DE SON ENTOURAGE
Christian Cottet-Emard, Éditions Le Pont du Change, 2010

Drôle de bestiole qu’un écrivain Je le savais déjà, mais grâce à Tu écris toujours ?, le dernier livre de Christian Cottet-Emard (publié par les récentes mais déjà prometteuses éditions du Pont du Change), cela se confirme. Car si quelques rares spécimens réussissent de temps en temps à sortir de l’ombre et à devenir des « auteurs à succès », la plupart des membres de cette curieuse secte s’avèrent être, aussi bien pour leur entourage que pour eux-mêmes, plus encombrants qu’autre chose. Imaginez : ils ne savent généralement rien faire d’autre qu’écrire. Pas forcément bien en plus, mais c’est un autre problème !
Car ces écrivains, voyez-vous, ne partagent aucune des passions qui font le charme de la « vraie vie » : le foot, la politique, la télé, les soldes, le bricolage... Ils fuient la foule comme la peste, ils n’ont aucune ambition, ils s’habillent mal, se lavent peu, boivent trop, et ils végètent au quotidien dans un univers parallèle qui s’acoquine mal avec le monde réel (qui, comme chacun le sait, n’accorde guère de crédit à l’immobilisme, à l’oisiveté et à l’improductivité caractérisée).
Prenant son courage à deux mains et sa plume comme il peut, avec ce qu’il lui reste de doigts disponibles, Christian Cottet-Emard s’attache donc, dans ce Manuel de survie à l’usage de l’auteur et de son entourage, à nous délivrer quelques conseils éclairés pour mieux comprendre ces grands handicapés de la vie que sont les écrivains. Et il le fait avec beaucoup d’humour et de malice, prenant volontairement à contre-pieds tous ceux qui veulent faire de ce travail de manieurs de stylos une activité supérieure, noble et forcément admirable. Ainsi, si je suis bien persuadé que Tu écris toujours ? amusera beaucoup celles et ceux qui côtoient quotidiennement des auteurs et qui savent à quel point leurs risibles postures et multiples tics sont désespérément prévisibles, je ne suis pas sûr qu’il en sera de même pour nombre d’écrivains qui ne se réjouiront guère de se reconnaître dans le portrait qui est fait d’eux. Tant pis pour leur vilain ego !
Tous les autres, en tout cas, se délecteront en lisant ce genre d’aphorisme :
« Quant à savoir si on est écrivain parce qu’on est inadapté ou inadapté parce qu’on est écrivain, cela revient à se poser la lassante question de l’œuf et de la poule », ou ce très judicieux conseil aux poètes en manque d’inspiration, que je ne peux pas m’empêcher de citer dans son intégralité : « Voici un petit truc utile si vous avez la flemme d’écrire où si la muse vous a posé un lapin : exhumez un de vos vieux poèmes, maquettez deux vers par page – c’est bien le diable si vous n’arrivez pas à une cinquantaine – et faites imprimer sur vélin en typographie un volume non massicoté. Les bibliophiles ne coupent pas leurs livres. Ils ne lisent pas, ils collectionnent Alors deux vers par pages, peu importe, du moment que c’est pur chiffon et tralala ! »
Des conseils aux écrivains qui déménagent aux conseils aux écrivains qui ont encore des amis non-écrivains et non-littéraires, en passant par les conseils aux écrivains qui ne savent rien faire d’autre, aux écrivains qui se font interviewer ou qui sont assignés à résidence, tous les cas de figure sont joyeusement analysés les uns après les autres. Et au final, une fois la dernière page tournée, les premiers mots qui nous viennent à la bouche sont :
‘Mince, c’est déjà fini ! »
Ce qui est plutôt bon signe, en général...

Stéphane Beau
Le Magazine des livres n°24, mai 2010

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire