GEOGRAPHIQUES
Bertrand Redonnet, Le Temps qu'il fait, 2010
Géographiques, de Bertrand Redonnet : voilà un livre qui va bien embêter les libraires ! Dans quelle catégorie le ranger ? Ce n’est pas vraiment un roman… Pas à proprement parler un texte autobiographique… Dans le rayon « nature et écologie » ? Entre Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand ? Bof, bof… Que dit la page de garde ? « Divagations » ! Voilà qui n’arrange pas nos affaires ! Cette incertitude pourrait être amusante mais je crains hélas qu’elle ne soit plus néfaste à ce magnifique livre qu’autre chose. Car je connais un peu les libraires et je sais aussi que quand ils ne savent pas quoi faire d’un bouquin, soit ils ne le commandent pas, soit ils le rangent dans un recoin de leur boutique, là où aucun client n’a jamais l’idée d’aller fourrer son nez.
Et pourtant, croyez moi, le nouveau livre de Bertrand Redonnet vaut le détour. La trame ? Une poignée de climatologues, géographes, météorologues sont réunis dans une petite maison, au fin fond de la Pologne, autour d’une bonne bouteille de vin hongrois. Un joyeux aréopage qui discute avec passion des climats, des paysages, des reliefs, des plaines et des forêts, des tempêtes et des cieux azurés… Bref, des amis ne cherchant pas à « organiser le monde, mais seulement à le vivre » (p.74), des hommes qui ont bien compris que la question écologique, avant d’être économique, morale ou politique est avant tout et fondamentalement ontologique.
Bertrand Redonnet nous propose là un livre bourré de poésie et de nostalgie, mais aussi de joie de vivre, cette joie simple de ceux qui, revenus de tout, savent se concentrer sur l’essentiel : « Serions-nous des antinomies et à la recherche de quels paradis perdus ? » (p.84). Belle question, non ?
Géographiques est également un livre merveilleusement écrit. Je savais déjà que l’auteur était doté d’une belle plume, mais là, il s’est surpassé. Un petit extrait pour se faire une idée :
« Les premières neiges de novembre, voyez-vous, sont des éclaireuses. Elles sont une avant-garde en charge de contrôler si le sol est fin prêt à recevoir l’hiver. Elles repèrent les lieux, elles avertissent des grosses chutes à venir, puis elles repartent vers le ciel. Elles reviendront quand décembre aura bien durci la terre, bien recroquevillé les dernières plantes et rassemblé les hommes autour des poêles. Alors elles engloutiront tout. » (p.16).
En résumé, voilà un livre qui se lit comme une invitation au voyage, aussi bien dans le temps, dans l’espace, qu’au plus profond de nous même. Chapeau !

Stéphane Beau
Blog du Grognard, juin 2010

1 commentaire:

  1. Voilà un livre à côté duquel je passerais sans faire attention si je n'avais pas lu cette critique... Merci pour cette découverte!

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