DE SI BEAUX YEUX
Christine Cambra-Djoudi, L'Harmattan, 2009
Est-ce un hasard si le roman de Christine Cambra Djoudi, De si beaux yeux, dont l’action se situe dans les montagnes des Hautes-Pyrénées, possède lui aussi un « adret » et un « ubac », un versant sombre et un pendant ensoleillé ? Je ne sais pas, mais toujours est-il que son livre se découpe en deux parties dont la première est d’une noirceur terrible, alors que la seconde ramène un peu de douceur, de légèreté et d’espoir.
L’histoire se déroule au cœur des Pyrénées, dans des années qui ne sont pas clairement indiquées, mais qu’on peut estimer être entre 1870 et 1900. Une jeune fille est retrouvée inanimée dans les montagnes et l’on accuse un ours, surnommé le « Moussu », de l’avoir attaquée, violée et même engrossée… L’affaire n’est pas banale et, dans le cercle étroit du village où elle habite les cancans vont bon train. Un jeune homme pourtant sort des rangs et demande la malheureuse en mariage, régularisant ainsi, aux yeux de l’opinion publique, aussi bien la situation de cette curieuse fille mère que celle de l’enfant qu’elle porte en son sein. La seconde partie du livre retrace les quatorze premières années de vie de cet enfant.
Je ne souhaite pas ici dévoiler trop largement les nœuds de l’intrigue que Christine Cambra Djoudi a su nouer avec beaucoup d’intelligence : mieux vaut laisser aux lecteurs le plaisir de la découverte. Je préfère plutôt m’attarder sur la qualité d’écriture de l’auteur qui nous offre là un magnifique roman. Le projet, pourtant, était semé d’embûches : des grands paysages, de la passion, des amours contrariés, des jalousies, des haines ancestrales : il était très facile de forcer le trait, d’en rajouter dans le pathos, et de dériver vers une sorte de saga à la mode TF1. Mais au final, rien de cela, bien au contraire.
La langue de l’auteur est parfaite, à la fois limpide et juste, parfois brutale, parfois caressante, lyrique ou froidement descriptive, selon les besoins. Et les tableaux qu’elle déroule devant nous font bien souvent songer aux plus belles heures du romantisme allemand. Est-ce là d’ailleurs un effet des goûts de l’auteur, germaniste apparemment aguerrie, spécialiste de Hofmannsthal et de Johann Elias Schlegel ? Toujours est-il que j’ai été plus d’une fois obligé, au cours de ma lecture, de me répéter que l’action se situait bien à la frontière espagnole, et non pas dans les alpages bavarois ou suisses…
En tout cas, voilà un premier roman qui vaut le détour et qui aurait mérité de trouver un éditeur un peu mieux diffusé. Si vous aimez la montagne, le romantisme allemand et la belle écriture, n’hésitez pas : vous ne serez pas déçus !
Stéphane Beau
Stéphane Beau
Blog Le Grognard, juin 2010
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