ZOZO, CHOMEUR EPERDU
Bertrand Redonnet, Le temps qu’il fait, 2009

Au début des années soixante, dans un coin de campagne de la Vienne, Zozo, fainéant incurable, trouillard, gourmand et chasseur aussi forcené que maladroit, ne demande qu’une seule chose dans la vie : qu’on lui foute la paix ; qu’on le laisse s’occuper du cochon qu’il engraisse chaque année et qu’il tue à date fixe pour le transmuer en savoureux pâtés, rillettes et autres boudins ; qu’on l’autorise à picoler tranquillement sa vinasse vinaigrée…
Hélas, les notables du village, le maire en tête, ne l’entendent pas de cette oreille… Ni les mystérieux employés des administrations de Poitiers qui s’acharnent à vouloir lui couper son droit à l’allocation chômage – et donc les vivres – s’il ne retrouve pas du travail au plus vite.
Sans parler de ce voisin, Guste Bertin, surnommé « le partageux » qui tient absolument à défendre le droit au travail des pauvres ! Quelle idée ! « Ca lui faisait une belle jambe, à Zozo, qu’il y ait des riches qui travaillent pas et des pauvres qui travaillent. Lui il voulait relever à la fois des deux catégories : rester pauvre et ne pas travailler ». (p.94) Mais ce n’est pas ainsi que marche l’ordre social…
Emporté par l’écriture chaleureuse et gouailleuse de l’auteur, le lecteur a tout d’abord l’impression d’être confronté à une vaste farce, plus distrayante qu’instructive. Mais, dans l’art de brouiller les pistes, Maître Redonnet est loin d’être un débutant ! Il le démontre de manière magistrale avec son Zozo, chômeur éperdu.
Sous ses faux airs de fable rurale cocasse et truculente, ce roman cache en effet une critique sévère de la réalité sociale. Car à vouloir vivre en paix loin de l’agitation du monde, Zozo se fait une foule d’ennemis, qui ne peuvent accepter sa façon de vivre, et qui ne cessent de s’en prendre à lui. Tous les moyens sont bons pour se venger de cet effronté qui refuse obstinément de se plier aux normes de la masse : la moquerie, les vexations, les complots... Et Zozo a beau faire, toute cette méchanceté gratuite dont il est l’objet continuel finit par laisser des traces : «  Non pas qu’il eût vraiment mal d’être la risée des honnêtes gens. De tout temps, Zozo avait laissé dire ce qu’on voulait puisqu’il considérait, en fait, qu’il avait le dernier mot : il vivait son oisiveté comme bon lui semblait et c’était peut-être le prix à payer, face à tous ces besogneux jaloux. Mais ce qui l’humiliait […] c’était l’exclusion concertée. Le complot ». (p.55)
Et pour le plus grand malheur de Zozo ses ennemis n’en resteront hélas pas au stade du complot, comme le lecteur le découvrira, avec effarement, dans les toutes dernières pages du livre… Mais pour savoir jusqu’où peut aller la crasse humaine et la méchanceté des bien-pensants, il vous faudra lire Zozo chômeur éperdu dans sa totalité !
Stéphane Beau
Carnets Ligériens, mars 2010

2 commentaires:

  1. C'est une lecture bien tentante! Je crois que je vais noter ce titre dans ma LAL...

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  2. Bonne idée car c'est livre très fort et très déroutant, c'est certain.

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