NIETZSCHE : GENEALOGIE DE L’INDIVIDU
Gisèle Souchon, L’Harmattan, 2003
Gisèle Souchon signe là un petit livre bien utile. On peut regretter le style quelque peu aride et scolaire de l’écriture, mais la clarté et la précision des propos atténuent fortement ce défaut.
Dans les réflexions sur la question individualistes, (question qui tend à revenir de plus en plus à la mode), la pensée de Nietzsche est assez rarement mise en avant (quand elle n’est pas soigneusement laissée de côté). Et pourtant, c’est à juste titre que Gisèle Souchon rappelle que l’idée individualiste est loin d’être anecdotique dans la logique de la pensée du philosophe allemand.
Elle nous rappelle en passant que chez Nietzsche, les termes d’« individualisme » et d’« égoïsme » sont généralement à lire dans le sens inverse de ce que la pensée individualiste française propose. L’individualisme chez Nietzsche est plutôt associé à une logique condamnable (libéralisme, intérêt mesquin etc. ce que nous appelons nous égoïsme) alors que l’égoïsme est valorisé (en tant que force qui permet à chacun de se dépasser, d’aller au bout de ce qu’il est lui-même etc. ce que nous nommons plutôt individualisme).
Dans les points forts du livre, signalons la mise en perspective de la pensée de Nietzsche et de celle de Stirner.
Autre intérêt du livre : rappeler au lecteur qu’une véritable réflexion sur la question individualiste ne peut pas faire l’impasse sur tout un tas de sujets qui font mal : la question de la « masse », du « troupeau », de « l’élite », des notions dangereuses (« volonté de puissance », sacrifice de soi et/ou sacrifice des autres, « surhomme », « aristocratie », etc.…)
Dans les points moins convaincants, la faiblesse de l’analyse de la critique du libéralisme par Nietzsche. Gisèle Souchon mélange un peu la logique économique du libéralisme (plutôt inégalitaire) et son expression politique dans sa dimension des « Droits de l’Homme » par exemple (donc plutôt égalitaire).
Le chapitre consacré aux rapports entre Nietzsche et l’anarchisme aurait également gagné à être un peu plus étoffé.
Stéphane Beau
Site Georges Palante, 2004
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