MICHEL ONFRAY, LA FORCE MAJEURE DE L’ATHEISME

Alain Jugnon, Editions Pleins Feux, 2006



On sait que les plus violents séismes sont généralement suivis par une série de répliques de moindre amplitude. On découvre, grâce à Alain Jugnon, que ce phénomène naturel se retrouve également dans le domaine de la philosophie. Il y a un peu plus d’un an de cela, nous découvrions le Traité d’Athéologie de Michel Onfray ; aujourd’hui, nous subissons sa réplique : Michel Onfray, la force majeure de l’athéisme.

Que dire de ce livre ? Si j’avais laissé à mon petit neveu le soin de se charger de sa recension il aurait sûrement attaqué avec une saillie du genre : « Il se la pète trop grave le Jugnon ». Mais comme je suis un garçon civilisé et que mon petit neveu a bien mieux à faire que de se soucier de philosopher, je vais m’efforcer pour ma part de développer un argumentaire un peu moins elliptique !

Depuis la parution du Traité d’Athéologie je ne cesse de clamer que, indépendamment de la valeur et la véracité des arguments mis en avant par Onfray, ce livre est dangereux car, loin d’ouvrir les portes à un débat constructif et réfléchi, il lâche la bride à tous les débordements idéologiques et ouvre la porte à toutes les élucubrations. Et pas seulement dans le camps des croyants ! Ces derniers, représentés par des auteurs tels que Mathieu Baumier ou Irène Fernandez, ont d’ailleurs été assez cohérents dans leurs réponses. Ils ont dénoncé les limites et les imprécisions du pamphlet d’Onfray et ils ont profité de la brèche qu’ils venaient d’ouvrir pour remettre une couche de vernis sur leur dogmatisme et nous rejouer la rengaine du gentil petit Jésus et du Dieu est amour… C’est déprimant, pour l’athée que je suis, mais c’est de bonne guerre : difficile de leur reprocher d’avoir saisi le bâton qu’Onfray leur tendait si généreusement.

Il m’est plus difficile de pardonner à Alain Jugnon le « Sous-Traité d’Athéologie » qu’il nous livre aujourd’hui. Quoi ? C’est ça l’athéisme ? C’est cette espèce de marmelade verbale mystico-politico-intellectualo-puérile ? À l’instar de Georges Palante, réglant en son temps, leur compte à quelques illuminés, j’ai envie de dire, une fois le livre de Jugnon refermé : « J’avoue que ce style me navre et que de semblables explications me consternent. Je songe malgré moi à cette secte des Aéolistes dont il est question dans le Conte du Tonneau de Swift, secte des adorateurs du Vent, qui puisent leur inspiration dans les outres d’Eole »[1].

Du vent ! Voilà ce qu’on trouve dans le livre d’Alain Jugnon, des propos alambiqués et prétentieux, des idées qui sonnent creux, beaucoup d’effets de manches, des grandiloquences qui tombent à plat, mais concrètement ? Rien de bien solide, rien de bien neuf. Rien de plus que ce que Michel Onfray n’ait déjà dit, avec plus de talent et dans un style plus fluide. On nous parle de Révolution, de Mort de Dieu, d’Individu contre la nation, mais c’est juste pour faire des phrases, des bons mots, histoire de montrer qu’on est un esprit supérieur et qu’on n’est pas le premier venu… Pitoyable.

Et quand je pense que c’est le même Jugnon qui, à la page 13 de son livre reproche aux chroniqueurs du Journal de la Culture (qui n’était pas encore La Presse Littéraire) leur style hargneux et juvénile ! Preuve s’il en est que le meilleur comique est toujours involontaire !

L’athéisme est bien malade et ses pires ennemis ne sont pas du côté que l’on pense !

Stéphane Beau
Site Georges Palante, février 2006



[1] Chronique philosophique du Mercure de France, 1er avril 1920.

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