QUELQUES JOURS EN PALESTINE

Pascal Pratz, Editions du Petit Pavé, 2008



A quelques semaines de cette histoire de sous-préfet destitué de ses foncions pour avoir écrit un texte « anti-israélien », je tombe sur ce petit bouquin, fraîchement paru aux éditions du Petit Pavé, qui apporte un regard plein d’humanité et d’intelligence sur la complexité des rapports entre Israéliens et Palestiniens.

Paradoxalement, ce livre qui n’a été rédigé ni par un éminent politologue, ni par un philosophe, ni par un historien, ni par un journaliste professionnel, qui est écrit dans un style assez plat, parfois quelque peu « administratif », a les qualités de ses défauts. Marre en effet des grands discours sur le sujet. Marre des envolées lyriques des professionnels de la plume qui savent parfaitement tirer profit des grandes causes pour tirer la couverture à eux. On imagine sans peine la prose d’un Onfray, d’un Bernard-Henri Lévy ou d’un Jacques Attali sur un tel sujet, toujours plus soucieux qu’ils sont d’apporter la preuve de leur intelligence et de leur perspicacité que de s’intéresser sincèrement aux problèmes dont ils traitent.

Pascal Pratz est allé à deux reprises en Palestine, à Anabta, dans le cadre d’un jumelage avec une ville de Loire Atlantique. L’occasion pour lui de partager, quelques jours durant, la vie quotidienne et souvent compliquée, de ses hôtes. Entièrement acquis à la cause palestinienne depuis de longues années, ce militant de la cause écologiste n’en est pas moins clair sur sa condamnation de l’antisémitisme, de tous les intégrismes religieux et de leurs conséquences fâcheuses (notamment la détérioration de la condition féminine en Palestine).

Ces deux voyages lui ont aussi permis de vérifier et de confirmer que les conditions de vie de nombre de palestiniens sont inacceptables et que les autorités israéliennes ont une très grande part de responsabilité dans les souffrances endurées par le peuple palestinien. Oui, comme l’écrivait le sous-préfet limogé, l’armée israélienne tue bien régulièrement des enfants ; oui l’armée israélienne impose bien un climat de terreur basé sur des contrôles intempestifs, des arrestations abusives et des vexations quotidiennes aux populations palestiniennes qui n’ont pas leur mot à dire sous peine de se voir couper l’eau ou l’électricité ou les moyens financiers de maintenir leur administration. Mais contrairement aux propos de Bruno Guigue, l’ancien sous-préfet de Saintes dont la position vis-à-vis de l’antisémitisme était loin d’être claire, les affirmations de Pascal Pratz sont dénuées de toute ambiguïté : on peut à la fois, et de manière cohérente condamner d’une même voix l’antisémitisme et les crimes commis en Palestine par les Israéliens. Non seulement on le peut, mais on le doit. Car tant que les défenseurs de la cause juive continueront à croire que leur combat sous-entend forcément un soutien inconditionnel à la politique menée par Israël dans les territoires palestiniens, ils feront le jeu des antisémites de tout crin qui ne cracheront jamais sur cette aubaine, qu’on leur offre sur un plateau, de faire d’une pierre deux coups. Et les Juifs pourront tant qu’ils voudront fustiger les amalgames dont sont coupables leurs adversaires et l’absurdité des haines aveugles dont ils sont les victimes : jusqu’à un certain degré, on a les adversaires qu’on mérite.

Certes l’Etat d’Israël se trouve dans une situation compliquée et les Israéliens sont loin d’avoir le monopole de l’intégrisme et de la violence criminelle. Les attentats et les agressions dont ils sont les victimes sont inacceptables et inexcusables, et il est évident qu’ils doivent pouvoir se défendre, mais cette défense n’autorise pas tout. Et tant que les états occidentaux, qui n’ont toujours pas réussi à se défaire de leur culpabilité vis-à-vis de la Shoah, continueront à poser comme postulat que, compte tenu de ce que les Juifs ont souffert pendant le dernier conflit mondial, il faut continuer de fermer les yeux sur les absurdités de la politique israélienne, les Palestiniens continueront à payer les pots cassés… Et les Israéliens aussi, d’ailleurs, car tant que nous les laisseront renouveler tranquillement, de génération en génération, le stock des futurs martyrs kamikazes, ce désespérant conflit renaîtra toujours de ses cendres.

Stéphane Beau

Le Grognard n°6, juin 2008

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