ADEN, PAUL NIZAN ET LES ANNEES TRENTE
Collectif, n°6, octobre 2007
A tous ceux qui doutent parfois du bon état de santé du secteur de l’édition française, à tous ceux que désolent les publications de circonstances, les parutions en rafales relatant les moindres faits et gestes des stars du show-biz, du sport ou de la politique, à tous ceux qui ne supportent plus les best-sellers préfabriqués, les revues élitistes consensuelles et branchées, à tous ceux là j’ai envie de dire : ne perdez pas espoir. D’irréductibles gaulois continuent encore et toujours à lutter contre la marchandisation et la peopolisation de la « chose littéraire ». Vous en voulez la preuve ? Et bien, procurez-vous au plus vite le dernier numéro de la revue Aden, Paul Nizan et les années trente (octobre 2007) consacré à la question des liens entre le féminisme et le communisme durant l’entre deux guerres.
La question de l’émancipation féminine et de la défense des droits fondamentaux des femmes s’est très vite retrouvée mise en parallèle avec les différentes idéologies de libération des individus, qu’elles soient libertaires, individualistes ou collectivistes. Et la difficulté de savoir si la question féminine n’était qu’une dimension d’une problématique plus globale (l’émancipation de tous les individus) ou un problème spécifique et indépendant est naturellement apparue.
Les différents contributeurs du n°6 d’Aden ne nous apportent bien entendu pas de réponses définitives sur ces interrogations – aussi insolubles sans doute que la célèbre énigme de l’œuf et de la poule – mais ils nous offrent, au travers de leurs études des éléments de réflexion qui ne manquent pas d’intérêt.
Tout d’abord, nous découvrons – ou redécouvrons – une superbe galerie de portraits de femmes qui, à des titres variés et à des degrés divers, ont marqué l’histoire du féminisme : Magdeleine Paz, Louise Weiss, Marie Claude Vaillant-Couturier, Simone Téry, Andrée Viollis, Madeleine Jacob etc. Autant de femmes, très différentes les unes des autres, dont les combats ne sont pas toujours les mêmes, mais qui se retrouvent quasi toutes sur un point : la femme est un homme comme les autres ! Et affirmer cela dans les années 30 demande un courage évident et sous-entend, pour celles qui choisissent de mener cette lutte, un acharnement indéfectible et quotidien. Et pas seulement contre les « forces réactionnaires », mais aussi, et surtout, paradoxalement, contre les idéologies dites « progressistes » et émancipatrices, notamment le communisme. Car si une partie des grands leaders populaires trouve très « logique » que l’égalité des sexes soit sous-entendue dans le principe de l’égalité pour tous, dans les faits, les engagements publics comme privés restent très mesurés.
Une lettre d’Henriette Nizan à Paul Nizan (reproduite p.277 et suivantes), pleine de drôlerie et d’élégance, prouve d’ailleurs de manière criante que, si certains hommes trouvent tout à fait normal que les femmes soient de plus en plus nombreuses à se hisser dans le monde des lettres, de la pensée, de la politique… elles ne doivent pas pour autant trop délaisser leurs charges « naturelles » : s’occuper des enfants, du foyer, de l’intendance… Plus de droits, pourquoi pas… Mais pas moins de devoirs !
La seconde partie de ce sixième numéro d’Aden est bien entendu consacrée plus spécifiquement à Paul Nizan. Le Nantais que je suis est obligé d’accorder une mention spéciale à l’étude que signe Jean-Louis Liters sur la « Rue de la paix ou Nizan à Nantes en pleine Conspiration » qui nous permet de vérifier à quel point Nizan a alimenté la fiction de sa Conspiration à la source des souvenirs très précis de son passage dans la Cité des Ducs.
Stéphane Beau
Le Grognard n°6, juin 2008
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